La science et la littérature viennent de s'enrichir d'un nouvel ouvrage des plus attrayants et qui aura un succès aussi mérité que son frère aîné. Nous voulons parler de l'intéressant volume annoncé déjà dans le Midi, et qui porte pour titre : La Grèce et lOrient en Provence. M. Charles Lenthéric, après avoir, avec un talent que l'Académie Française a dailleurs couronné, et cette chaleur dexpressions si naturelle aux enfants du Midi, collections dépeint les plages désertes du Golfe de Lyon, qu'animait autrefois le mouvement aujourd'hui éteint des Villes Mortes, continue son exploration du littoral de la Méditerranée ; il nous fait assister à la fondation et au développement de ces populations si pleines de vie et d'énergie des côtes de Provence, et dans une savante dissertation nous explique même la formation de son sol. Nous ne suivrons pas lauteur dans tous les détails très instructifs et très intéressants dans lesquels il entre sur la manière toute primitive dont se faisaient les transports des objets et des personnes sur de petits radeaux soutenus par des outres, ni sur les premiers établissements de ces populations errantes dont le principal souci était de se prémunir contre les attaques des bêtes sauvages et des peuplades errantes comme elles mais nous ne saurions trop engager le lecteur à parcourir dans l'ouvrage de M. Lenthéric, les pages si sérieuses dans lesquelles il nous raconte la fondation des deux perles de la Provence, Arles et Marseille et les diverses modifications du cours du Rhône, ce Nil Provençal. L'ouvrage que nous analysons alliant à la fois la science et l'art, c'est à la plus artistique de ces deux villes que s'adresse d'abord M. Lenthéric. C'est Arles qui est son principal objectif ; cest l'Arles grecque, connue sous le nom de Théline (mamelle), mais dont l'étymologie celtique ar laith (devant l'eau), prouve l'ancienneté, et c'est surtout linfluence de la Grèce et de l'Orient sur cette partie de la Gaule que l'auteur cherche à mettre en lumière. Les preuves de cette influence, il les trouve jusque dans les plus petites choses, et cest cette recherche qui, d'après nous, est le principal attrait de ce consciencieux ouvrage. Les phénomènes généraux résultant de la situation topographique, des rapports commerciaux obligés avec l'Orient, de la conformité du climat et même du sol, sont, pour ainsi dire, du domaine public et presque des lieux communs, dans lesquels M. Lenthéric a eu le bon esprit de ne pas s'attarder, mais en s'attaquant aux détails de la vie pratique de ces peuples presque barbares il nous fait entrer dans l'intimité de leur existence et nous découvre à chaque instant quelques aperçus nouveaux […] Grâce à M. Lenthéric, on peut faire un voyage des plus instructifs sur tout le littoral d'Arles à Marseille, et comprendre les luttes de toute nature que l'homme a eu et aura encore à soutenir contre les éléments, pour constituer et défendre le sol lui-même d'une partie de notre belle Provence.
Le Midi, journal républicain libéral – 22 décembre 1877.